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Comment faire appliquer le droit à la déconnexion ?

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Comment faire appliquer le droit à la déconnexion ?

Les dépassements horaires, favorisés ou masqués par l’utilisation des outils numériques, ont souvent comme cause première un sous-effectif. En effet, on relève une tendance forte dans les entreprises publiques ou privées à ne pas remplacer les postes vacants ou à ne pas embaucher selon les besoins.

Le « surtravail » est donc organisé et se traduit par des dépassements horaires imposés tacitement et non reconnus par l’employeur. Le régime du forfait jours est le plus souvent utilisé par les employeurs pour s’affranchir du décompte des heures travaillées. On aboutit à des heures supplémentaires non payées et non cotisées, et trop souvent à des atteintes à la santé, parfois graves. Faire respecter le temps de travail et sa juste rémunération participe à la lutte contre le chômage de masse, tout autant que du respect de la santé de chaque salarié-e.

Le respect du droit à la déconnexion peut être un nouvel outil pour mettre toute la lumière sur le respect du droit au repos, qui reste d’ordre public et bénéficie d’une protection forte de la jurisprudence, française et européenne.

Concernant le respect du droit à la déconnexion, il importe de le prévoir dans l’accord dédié en mettant en œuvre un suivi particulier permettant au salarié-e :

  • de déclarer son amplitude de travail (heure de début et de fin de travail) afin de repérer si les temps de repos obligatoires sont respectés (11 heures entre deux plages de travail, article L.3131-1 Code du travail).
  • De signaler les e-mails, textos et appels vocaux reçus en dehors des plages de travail.

Il conviendra de prévoir que ces déclarations soient transmises aux organisations syndicales et délégué-e-s du personnel en même temps qu’à l’employeur.

À défaut d’accord, il importe de tenter de faire intégrer ces modalités concrètes dans la charte élaborée par l’employeur, mais soumises à la consultation du comité d’entreprise. À défaut, il conviendra de faire acter dans le procès-verbal du comité d’entreprise les lacunes des dispositions prises par l’employeur en ce qu’elles ne permettent pas de garantir à chaque salarié-e « le plein exercice » de son droit à déconnexion.

Pour les salarié-e-s relevant du régime des forfaits jours, aussi bien l’article L.3121-64 que l’article L.3121-65 du Code du travail prévoient qu’il revient à l’employeur de mettre en œuvre les modalités du droit à la déconnexion soit dans l’accord, soit dans la convention de forfait et d’en informer le salarié-e.

Le non-respect du droit à la déconnexion peut correspondre à plusieurs types de situation. Il peut résulter d’une charge de travail trop importante, de lieux de travail inadaptés, d’une carence dans l’organisation du travail entraînant de fréquents dépassements, périodiques ou constants. Il convient d’analyser la situation afin d’y apporter les réponses appropriées :

1 – En cas de situation isolée

Il convient dans le cadre des missions dévolues aux délégués du personnel (article L.2313-1 Code du travail), d’exposer sous forme de question la situation à la réunion mensuelle des délégués du personnel de façon à obtenir une réponse et une action de l’employeur. (article L. 2315-8 et 2315-12 Code du travail)

Les articles L. 2315-8 et L. 2315-10 du Code du travail prévoient la possibilité de poser tous les mois des questions à l’employeur, celui-ci étant tenu d’y répondre par écrit dans un délai de six jours. L’article L. 2315-10 prévoit également lors de la réunion mensuelle des délégués du personnel, la possibilité de se faire assister par un représentant syndical, éventuellement extérieur à l’entreprise.

Modèle de question des délégués du personnel

On pourra par exemple poser la question suivante : M. ou Mme X a reçu 10 courriels aux horaires et aux dates suivants, …, soit pendant la plage de repos entre deux jours travaillés, ou pendant les jours de congés hebdomadaires, ou pendant la période de prise des congés payés, ou pendant un congé maladie ou pendant le congé maternité.

Comment l’employeur explique-t-il cette situation ?

Quelles sont les mesures que l’employeur entend prendre pour que cela ne se reproduise plus ?

Droit d’alerte des délégués du personnel

L’article L. 2313-2 du Code du travail prévoit que « si un délégué du personnel constate, notamment par l’intermédiaire du salarié, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale… qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. L’employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le délégué, si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la forme des référés. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor. »

Cette disposition, à réserver au cas caractérisé où le non-respect du droit à la déconnexion est suffisamment important pour porter atteinte à la santé du / de la salarié-e, permet une action efficace pour sensibiliser l’employeur à la nécessité d’agir et s’il ne le fait pas efficacement de saisir le conseil des prud’hommes en la forme des référés afin d’obtenir les mesures appropriées.

Le délégué du personnel saisira par lettre recommandée avec accusé de réception l’employeur en faisant référence à l’article L. 2313-2 et en lui demandant de procéder sans délai à une enquête contradictoire. Ce courrier devra détailler les éléments caractérisant l’atteinte à la santé du salarié et concernant le droit à la déconnexion, les éléments comme les mails, consignes, SMS reçus en dehors des plages de travail créant une situation de travail pathogène.

2 – En cas d’organisation du travail non-respectueuse des droits des salarié-e-s en matière de temps de travail

– LE CHSCT

Si le non-respect du droit à la déconnexion relève d’une organisation du travail délétère et concerne de nombreux salarié-e-s, le CHSCT et le comité d’entreprise peuvent agir pour faire respecter les temps de repos, les durées maximales et l’obligation de déclaration et de paiement des heures supplémentaires.

Le CHSCT dispose d’un droit d’enquête et d’expertise en matière de conditions de travail et peut mobiliser la présentation du programme annuel de prévention des risques afin de faire émerger les dépassements horaires (articles L. 4612-1, L. 4612-2, 4612-16 et L. 4612-17 Code du travail).

Modèle de délibération relative au recours à une expertise :

Délibération du CHSCT lors de la réunion du (Date de la réunion)

1) Le CHSCT de (Nom et adresse de l’établissement) est confronté au non-respect de la législation relative à la durée du travail et aux temps de repos perturbant les conditions de travail des salariés de (établissement – service – atelier).

Il a été informé des dépassements d’horaires individuels ou collectifs fréquents et significatifs, ainsi que du non-respect des temps de repos  conformément aux dispositions des articles L. 3121-18, L. 3121-20, L. 3121-22, L. 3131-1 et L. 3121-2 du Code du travail.

Vu l’importance des impacts au niveau des conditions de travail : (Décrire les impacts prévisibles, possibles ou avérés sur les conditions de travail.

Arguments ou éléments de nature à mettre en évidence la présence du risque :

– Le CHSCT a, depuis plusieurs mois déjà été destinataire de plaintes récurrentes de salariés mettant en avant des situations de stress / surcharge de travail /surmenage, des troubles musculosquelettiques (TMS), des situations de souffrance au travail.

– Relevés ou rapports du médecin du travail… (aussi détaillés que possible avec citations éventuelles).

– Accidents du travail, constats de maladies professionnelles,

– Arrêts maladie en nombre, données sur l’absentéisme,

– Éventuelles enquêtes / alertes du CHSCT.).

Vu les compétences du CHSCT en matière d’hygiène de sécurité et des conditions de travail conférées par les articles L. 4612-1 et L. 4614-12 du Code du travail, décide de faire appel aux conseils d’un expert.

Vote : nombre de représentants du personnel présents : (Nombre). Nombre de voix POUR la décision : (Nombre). La décision est adoptée.

2) À cet effet, le CHSCT désigne :

(Nom du cabinet d’expertise, raison sociale, adresse de l’expert), agréé par le ministère du Travail et compétent pour ce type d’intervention.

La mission de l’expert aura pour objet :

– Analyser les conditions de travail et les risques ou les facteurs de risques identifiés par le CHSCT.

– Aider le CHSCT à avancer des propositions de prévention de ces risques professionnels et des pistes d’amélioration des conditions de travail.

Ainsi que toutes autres initiatives permettant d’éclairer le CHSCT sur les particularités des situations de travail ainsi créées.

Vote : nombre de représentants du personnel présents : (Nombre). Nombre de voix POUR la décision : (Nombre), la décision est adoptée.

3) Le CHSCT donne pouvoir à Monsieur (NOM Prénom), représentant du personnel au CHSCT, pour prendre les dispositions nécessaires à l’exécution de cette décision du CHSCT et pour représenter le CHSCT dans toute procédure administrative ou judiciaire liée à la présente décision, notamment pour ester en justice et constituer un avocat.

Vote : nombre de représentants du personnel présents : (Nombre). Nombre de voix POUR la décision : (Nombre), la décision est adoptée.

– LE CE

Le comité d’entreprise utilisera le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi prévue par les articles L. 2323-15 et détaillée par l’article L. 2323-17 du Code du travail. À cette occasion, par voie de résolution ou de déclaration d’une organisation syndicale, annexée au procès-verbal, il conviendra de faire état des dépassements horaires constatés et du non-respect des temps de repos, ainsi le cas échéant de l’impossibilité dans laquelle se trouvent placé-e-s les salarié-e-s d’exercer leur droit à la déconnexion.

Cette page a été mise à jour le 1 décembre 2020

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